Birmanie - festival lac Inle © Gildas Bellet

Que la fête commence au lac Inlé

La ville, habituellement calme, s’est lancée dans les préparatifs pour le festival du lac Inlé ; les stands, à l’ossature de bambou, se construisent rapidement. Des camelots sont venus de Rangoon, de Mandalay…, de même que les forains qui montent leur manège à l’huile de coude : grande roue, bateau pirate, carrousels… tous ces manèges seront activés à la main ; l’alimentation électrique se révèle erratique dans le pays, les muscles – moins coûteux aussi que le courant  ! – sont pour l’heure encore les meilleurs alliés des forains.

Feuilles d’or

Nyaungschwe sera, dans quelques jours, le point d’orgue du festival de la pagode Phaung Daw U ; au centre du lac Inlé, irrigué par un labyrinthe de canaux, cet édifice abrite cinq statues couvertes de feuilles d’or, extrêmement vénérées dans le pays. Certainement figuratives il y a des centaines d’années (elles dateraient du XIIe siècle et représenteraient Bouddha et certains de ses disciples), elles ressemblent maintenant à de grosses boules tant les fidèles y ont appliqué de feuilles d’or.

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Pendant toute la durée du festival, les statues couvertes de feuilles d’or, extrêmement vénérées dans le pays, sont transportées en bateau de village en village, pour aller bénir les monastères de chacun d’eux. Mais, si le monastère est bien ouvert à tous, seuls les hommes sont autorisés à apposer ces feuilles d’or. Certains pèlerins enveloppent en outre la statue d’une petite pièce de tissu et, de retour chez eux, placent cette étoffe sur leur autel familial en signe de respect pour le bouddha et pour ses enseignements.

Chaque année, à l’occasion du festival, ces statues sont transportées en bateau – sur la réplique d’une barge royale – de village en village, pour aller bénir les monastères de chacun d’eux ; les pèlerins se massent sur le trajet et nombreux sont ceux qui suivent la procession en barque. Un cortège impressionnant sur l’eau ! Venus de la plaine, des montagnes environnantes, de villages reculés, ils sont là pour rendre hommage à ces statues, leur faire des offrandes et accumuler des mérites.

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La barge royale, dotée d’une proue en forme d’oiseau mythique – le karaweik – arrive à proximité du monastère, sous l’oeil attentif d’une foule compacte. De nombreuses embarcations l’accompagnent. L’une propose un spectacle avec une troupe de danseurs.
Bénédiction des monastères du lac Inlé

Atmosphère évidemment pieuse au premier jour du festival. Dans les pays d’Asie du Sud-Est, la vie démarre à l’aube. Dès 4 h 30, des bateaux se massent déjà autour de la pagode, ou une cérémonie a eu lieu un peu plus tôt, avant que les statues soient transportées jusqu’au quai.

Gongs, tambours, cymbales, xylophones résonnent en différents points ; les sons proviennent du quai bien sûr, mais aussi de très longues barques plates. Sur certaines d’entre elles, jusqu’à plus de 70 rameurs alignés en deux files d’hommes debout sur une jambe, une rame enroulée autour de l’autre. Les habitants des villages du lac utilisent cette technique très particulière pour se déplacer en bateau. Habits de fête (chemise blanche, large pantalon abricot et veste du même coloris pour une grande partie de ces rameurs), ombrelles plantées sur toute la longueur des barques et orchestre au centre.

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Une dizaine d’embarcations de ce type ouvrent la procession, les statues étant transportées sur une barque à la proue dorée en forme de cygne. Quelques heures pour atteindre le village d’Indein, avec quelques arrêts destinés à la bénédiction des monastères se trouvant sur le chemin… Un vieux moine, «dignitaire de la pagode», descend alors de la barque, accueilli par des Pa-O (une ethnie très représentée dans cette partie de la Birmanie – l’État Shan) lui ouvrant la voie jusqu’au monastère. Les Pa-O portent des tissus éponge très colorés autour de la tête, qui contrastent fortement avec leurs vêtements (bleu foncé pour les hommes, noir pour les femmes). Autres touches chatoyantes de couleur avec les bouquets de fleurs et les guirlandes de papier – bleu, jaune et fuchsia – fixées à des tiges de bambou et installées tout au long du parcours.

Palanquins

Tous ces éléments contribuent à raviver un paysage écrasé il y a peu par des pluies battantes. Les berges sont boueuses, glissantes, pénibles, obligeant le marcheur à être attentif à chaque pas. Sur les rives, des alignements de parapluies sous lesquels patientent des centaines de fidèles. Quelques moinillons en robe bordeaux ont trouvé abri sous une grande bâche en plastique. Les statues sont portées jusqu’au monastère du village, où elles resteront pour la  nuit, avant d’être amenées le lendemain jusqu’au monastère suivant. La procession de barques passe et seule s’arrête la dernière, attendue par les dignitaires locaux. Les statues sont portées sur des palanquins jusqu’à l’intérieur.

Brochettes

Dans le même temps, c’est la « fête au village » dans une ambiance de kermesse. Les Pa-o sont venus vendre leur production agricole, d’autres marchands proposent des lunettes, des soutien-gorge équipés d’une poche à fermeture éclair destinée au rangement des billets de banques (coût : 5,000 kyats, soit un peu plus d’un demi-dollar), des têtes de poulet montées sur brochettes… Certainement un régal ! Jouets pour enfants, images religieuses, sacs de voyage, ustensiles de cuisine, paniers… sont également proposés dans ce grand marché à ciel ouvert.

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Délices en tout genre pour les festivaliers et monceaux d’offrandes pour les statues.
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Procession

Tous les villages attendent ce passage et la procession se répète ainsi pendant quinze jours sur le lac, avec des variantes. Pour l’une des étapes, un bateau-spectacle équipé d’une sonorisation sur lequel se produisent un chanteur de rock mais aussi des danseurs traditionnels ; pour un autre parcours, ce sont plus de cinquante barques qui emmènent la barge royale ; pour le tronçon suivant, des offrandes par milliers sont dressées sur des plateaux, dans une pagode… Chaque étape, par le chemin qu’emprunte la procession, par la joie des festivaliers, par l’engouement des habitants, constitue un voyage singulier et emmène le voyageur, exempt de toute lassitude, vers des scènes toujours surprenantes et émouvantes.

Équilibristes

Comment ne pas être interpellé par cette ferveur religieuse (de loin en loin, sur les berges, les habitants du lac attendent le passage de la procession, en ayant installé des autels sur lesquels s’amoncellent les offrandes), comment ne pas être impressionné par ces pagayeurs équilibristes et leur magnifique chorégraphie, comment ne pas être sensible aux innombrables couleurs, et habité pour longtemps par les rencontres avec les pèlerins et les habitants…

 

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