Hasard de la programmation d’une exposition étonnante proposée par le fonds Hélène et Édouard Leclerc pour la culture (FHEL), à Landerneau. La voix puissante de Barbara Hannigan emplit le couvent des Capucins, lieu de l’expo. Les vocalises, le travail de répétition de la soprano ont été mis en images par Mathieu Amalric dans le film C’est presque au bout du monde. Une des douze œuvres que le public peut découvrir dans cette mise en avant de la 3e scène de l’Opéra national de Paris.
« Comme beaucoup de gens de ma génération, je n’ai presque pas osé approcher le ballet et l’opéra, arts trop nobles, croyais-je, a priori, explique Mathieu Amalric pour présenter son film. […] Alors que faire?… Peut-être simplement partir d’une pure fascination physique de néophyte. D’où viennent ces voix inhumaines ? D’où, dans le corps, la troublante anomalie du chant prend-elle sa source, sa douceur et sa puissance ? La vibration, l’air, le son… Est-ce qu’entre le cri du bébé, l’envoûtement de la berceuse, l’effroi de l’héroïne hitchcockienne sous la douche, la respiration au travail ou les râles de la jouissance, Barbara Hannigan me soufflerait-elle la voie ?… »
Pas de commentaires pour ce court-métrage. Juste des images. Elles distillent un regard singulier sur les gestes, les postures, les efforts, les respirations, les vibrations de la chanteuse.
Dans l’espace concocté pour accueillir l’exposition – paysage vallonné, lumière tamisée, écrans de projection de toute taille, moquette invitant à la déambulation pieds nus – la voix envoûte.
Voilà une porte d’entrée pour des néophytes. Voilà un nouveau lien possible pour un public éloigné des salles parisiennes du Palais Garnier et de l’opéra Bastille. Et cette troisième scène de l’opéra de Paris est digitale, ouverte sur le web.
Les propositions originales s’enchaînent sur les écrans. À travers le film Giselle, the walking landscape, on suit le parcours à travers les rues de la capitale d’une ribambelle d’hommes. Ils portent à l’épaule un décor de plusieurs mètres de long, de l’atelier de fabrication à la scène de l’opéra Garnier. Dans Étoiles, I see you, le danseur de hip hop Lil Buck expose son corps et ses mouvements en répétition. Avec Matching numbers, du plasticien Xavier Veilhan, la machinerie de l’opéra se met à nu. L’ occasion est saisie par un cycliste pour y cabrer sa machine et accomplir des figures spectaculaires. Et comment ne pas être happé par Piano,Piano, un film mettant à l’honneur l’instrument. Il y a plus de 200 pianos à l’Opéra de Paris, d’étude, clavecin, cloches ou orgues historiques…
Mais l’expo, concoctée avec la complicité du Quartz – Scène nationale de Brest, n’est pas que virtuelle. Performances de danseurs s’enchaînent chaque jour. Au moment de ma visite, c’est Dimitri Chamblas qui s’approprie les différents espaces. Directeur artistique de la 3e scène de l’Opéra national de Paris et commissaire de l’exposition, il répond aux images projetées sur les écrans. Il frôle les corps de spectateurs étendus sur la moquette, s’invitant dans diverses tenues au milieu du public… Et ça, c’est du live, on ne peut pas le vivre sur Internet !
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