Adieu le train de nuit attrapé à Tashkent et bonjour Boukhara ! C’est dans une ruelle de la vieille ville que nous avons réservé un hôtel, en fait un bed & breakfast de quelques chambres dans un maison ouzbèke du XIXe siècle. Pas de fenêtre donnant sur la rue, la vie se tient dans la cour. Maison de deux étages dont toutes les fenêtres s’ouvrent sur cette cour et sont protégées par des portes en bois sculpté, peinte dans un bleu clair bien usé !
Découverte de la ville ; les souvenirs sont très lointains et, malgré nos efforts, peu d’images du premier séjour de 1997 restent vivaces. Cité religieuse – les étudiants venaient de nombreux pays pour y apprendre, dans ses nombreuses madrassas (écoles d’enseignement coranique), les écritures du Coran, la rhétorique, la poésie, la logique… – et cité commerçante – étape sur la route de la soie – Boukhara a été très convoitée, souvent détruite et reconstruite. Il en reste des monuments de différentes périodes : mosquées, mausolées, madrassas, khanakas (lieux d’étude, de prière et de production de manuscrits)…
Premier arrêt sur la place Liab-i-Khaouz, animée à toute heure de la journée ; des habitants se retrouvent autour du bassin creusé au centre de la place, le seul bassin qui ait survécu ici, alors que la ville en a compté jusqu’à une centaine. Les touristes (essentiellement des grands groupes) occupent les tables des quelques restaurants installés en bordure.
Pompes à dollars
Autour de la place : deux madrassas et une khanaka. Édifices de brique, couverts de céramique. L’une des façades me surprend car elle contient deux éléments figuratifs – en l’occurrence deux oiseaux – alors que ce type de décoration ne me semblait pas autorisé sur les monuments religieux islamiques. Une fois l’entrée franchie, on débouche sur une cour intérieure. Stupeur ! ce n’est qu’une succession de boutiques proposant des tapis, des suzanis (pièces de tissu brodées d’abord utilisées pour recouvrir le lit des jeunes mariés, puis plus tard comme décors muraux), des céramiques, des chapeaux traditionnels, des bibelots…
Il va falloir s’habituer à cet aspect mercantile de la cité, la vieille ville s’est transformée en gigantesque bazar à souvenirs. Rien de tout cela n’existait en 1997, le changement est violent ! Même si on ne parvient pas à faire abstraction de ces étalages de pompes a dollars, il me semble difficile de ne pas être saisi par l’architecture et les décorations.
Encore un schachlick ?
Autre endroit ébouriffant : le Poy Kalon, qui comprend une madrassa, une mosquée et un impressionnant minaret, d’environ 50 m de haut, dont l’assemblage de briques forme une jolie variété de motifs géométriques. De ce minaret étaient jetés les condamnés a mort. De l’ensemble émergent trois coupoles au dôme bleu turquoise, dont on a du mal à se détacher. Non loin de là, le marché aux joailliers, où des dizaines de vendeurs alignés proposent des bijoux en or peu attirants. La chaleur est accablante.
C’est par des rues arborées qu’on atteint le bazar de Boukhara. Sans franchement rejaillir, les souvenirs reviennent un peu ; c’est certainement dans l’une de ces rues que nous étions logés il y a huit ans. Les halles couvertes du marché nous sont également familières. Le soir, dîner un peu en retrait de l’animation de la place Liab-i-Khaouz, dans un petit resto de plein air ; délicieuses salades de concombres et tomates à l’aneth – utilisé ici en quantité – schachlick (brochette de viande) pour les carnivores, pommes de terre pour les autres.
De retour sur la grand place, c’est l’agitation, d’autant qu’il y a une équipe de cinéma, en train de recevoir des consignes du réalisateur avant de tourner un plan. Une foule compacte suit les opérations, d’une lenteur extrême. L’acteur – cliché du « tombeur » en pantalon blanc, chaussures blanches et chemise noire – se fait houspiller par une actrice pétasse, qui lui donne un coup de sac a main. Scène de choc dont on finira par voir le tournage, après les réglages, le travail de la maquilleuse… et d’ultimes conseils !