Ouzbekistan, Tashkent, Parc Babour - © Gildas Bellet

Usine à décibels dans un parc de Tashkent

Mai 2005. Retour en Ouzbékistan, huit ans après un premier séjour dans cette république d’Asie centrale qui, comme ses voisins, a acquis son indépendance récemment (1991), après l’effondrement du bloc soviétique.

Nous serons hébergés à Tashkent par des amis français, qui nous avaient accueillis en 1997 et nous ont proposé de revenir avant qu’ils ne quittent le pays, en début d’année prochaine. Leur maison se trouve dans une allée, dans un quartier calme de la ville ; une allée le long de laquelle les basses maisons ouzbèkes cèdent peu a peu la place à d’imposantes bâtisses à étage. Opulence de certains ? Folie des grandeurs ? Signe extérieur de richesse ? Entre Disneyland et les façades colorées de la Louisiane, je ne trouve pas ces maisons réussies !

Faire sourire l’infâme chérubin

Le début de journée s’écoule au ralenti : somme réparateur puis promenade dans le parc Babour, à quelques dizaines de mètres de la maison. Auto-tamponneuses miniature, grande roue d’un autre âge, chenille… de nombreux manèges sont disséminés dans le parc aux parterres envahis d’herbes folles. Non loin d’une pièce d’eau où flottent miraculeusement des pédalos bouffés par la rouille, un photographe propose ses services ; les promeneurs peuvent poser aux côtés d’un tigre ou d’une panthère noire en peluche ou sur un cheval – un vrai !

Le dernier-né d’une famille, braillant, est planté sur la monture. Le photographe, insensible à ses hurlements, enchaîne les génuflexions pour trouver la position qui lui assurera le meilleur cliché. La famille tente, en vain, de faire sourire l’infâme chérubin mais y renonce, préférant opter pour la béatitude devant cette merveilleuse usine à décibels. Le cheval, quant à lui, certainement habitué a ces interminables prises de vue, reste flegmatique.

Quelques images enregistrées il y a huit ans se reproduisent devant moi ; parmi elles, celle des associations osées d’étoffes bariolées que les femmes n’hésitent pas à composer pour leur tenue vestimentaire…

Marché de Chorsu, Tashkent, Ouzbekistan

C’est chez les marchands de fleurs, au coin du parc, que se termine notre balade avec l’achat d’un bouquet pour les personnes qui nous reçoivent ce soir.

Rencontre d’expatriés dans la maison d’un architecte qui dirige le bureau de l’Unesco à Tashkent. S’y retrouvent le représentant du British council et sa femme, le consul honoraire de Belgique, la chargée d’affaires de l’ambassade de Suisse et son homme, le directeur de Nestlé Asie centrale et sa femme, un Finlandais dirigeant un grand hôtel de la capitale, une femme ouzbèke qui promeut les artistes du pays (juste avant son départ pour Paris, où une expo sur l’Asie centrale se tient a l’Unesco ) propriétaire d’un café restaurant couru de la capitale.

Une maison de miel

Cachée derrière une lourde palissade de bois, la maison traditionnelle que l’architecte et son épouse ont achetée et entièrement retapée est superbe. Elle transpire l’Orient ; des céramiques à dominante verte couvrent les murs de l’entrée, de la cuisine et de la salle de bains. Dans les autres pièces, les murs sont habillés de dessins et de toiles d’artistes locaux, les dalles du sol recouvertes de tapis. Partout des objets magnifiques, notamment des plats en céramique.

En traversant le jardin – où se trouve un takhtan (grand lit en bois ou l’on dispose une table basse pour prendre le thé ou manger) – on atteint une autre maison, plus utilisée l’été que l’hiver. Dans la tradition ouzbèke, le fils aîné construit sa maison sur le terrain des parents lorsqu’il y a de la place, et reste vivre là avec la famille qu’il fonde.

Ce n’est pas le cas de figure ici ; la maison aux murs de pisé était auparavant une grange utilisée par l’ancien propriétaire – un apiculteur. Les nouveaux propriétaires ont « chiné » d’énormes portes et fenêtres traditionnelles à Samarkand, des dalles… et ont monté une maison aux larges ouvertures, dont l’étage sert d’atelier de peinture. C’est dans cette maison d’été qu’est dressé un buffet gigantesque, disposé sur des plats en céramique splendides. Chacun se sert, papote avec le voisin dans la pièce ou dans le jardin.

« Un milicien est né »

En milieu de soirée, des Indiens nous rejoignent ; je discute avec l’une d’entre eux qui m’apprend que le groupe fait partie d’une délégation venue participer à un festival d’artisanat, se tenant à Boukhara (600 km de Tashkent) dans quelques jours.

Un seul instant de silence dans cette soirée. Dans un tel moment, l’expression convenue chez nous est ; « Un ange passe ». Les Russes disaient : « Un milicien est né ». Les silences ne sont donc pas à multiplier !

 

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